Moutardes d’Alsace

Actuellement il ne subsiste plus qu’un seul fabricant les Ets STUMPF FRERES SA fondée en 1873, dont l’usine se situe 65 Rue du Mal Foch à LINGOLSHEIM. Bas Rhin. La marque commerciale ALELOR est la contraction d’Alsace et de Lorraine, nous ramène obligatoirement à l’histoire comme nous pourrons le voir par la suite.

Il nous a été aimablement communiqué les rapports du Syndicat des Fabricants de Moutarde du Bas Rhin, du Haut Rhin et de la Moselle portant sur les années 1954 à 1957, il s’agit d’une source importante de renseignements. Ce syndicat a été fondé en 1936, après guerre il englobait aussi la SARRE, province rattachée par la suite à l’Allemagne. D’après notre pointage, 10 fabricants constituaient son effectif en 1950… un demi siècle après il reste un survivant !!!

Le produit “Moutarde d’Alsace” est caractérisé par sa douceur, utilisation de graines Alba sinapis, traditionnellement cultivées dans l’Est Européen, ce qui fait un mariage de haut goût culinaire avec les spécialités charcutières, choucroutes, palettes à la diable,…

Suite à la guerre de 1870 et à l’annexion de l’Alsace Lorraine, il s’est suivi des particularités réglementaires qui viennent seulement maintenant de disparaître (CEE oblige). Ainsi la Moutarde d’Alsace dans les départements Bas Rhin, Haut Rhin, Moselle était de la moutarde… mais à “l’intérieur” de la France, elle devenait condiment !!!

Tout Alsacien connaît le vinaigre MELFOR (Pardon “condiment”) dont la vente était longtemps réservée uniquement aux départements cités plus haut ! Il nous a semblé intèressant de reproduire “in texto” le rapport moral du Président du Syndicat pour l’année 1956 Monieur Charles MEYER.

“Au cours de l’exercice 1956, notre profession a vu s’accentuer la disproportion entre les prix de revient et les prix de vente, déjà signalée dans nos rapports des années précédentes. “

En effet, l’augmentation des prix de toutes nos matières premières, des emballages, du coût de la main d’oeuvre, n’a pas été compensée par des prix de vente plus élevés, un nouveau blocage de prix étant intervenu. Seules des répercussions en valeur absolue des augmentations de prix des matières importées ou assimilées ayant été autorisées, nos tarifs ont pû être révisés en fin d’année. Cette révision des tarifs, a été appliquée par quelques fabricants, mais n’a pu qu’atténuer l’inconfort de notre position et lui éviter de devenir intenable.

Le développement important de notre production qui seul aurait pu compenser l’amenuisement constant de nos marges,n’a pas eu lieu,du moins dans notre section régionale et c’est là un fait inquiétant sur lequel je ne puis manquer d’attirer votre attention.

Cela m’amène une nouvelle fois à préconiser des solutions de concentration ou d’accords bi ou multilatéraux de rationalistion des fabrications ou des organisations commerciales.

En face de nos clients dont l’organisation apparaît de plus en plus parfaite, la dispersion de nos efforts dans tous les domaines nous met dans une situation d’infériorité manifeste, dont nous payons tous les frais.

Il est regrettable que de telles solutions n’ont pas été appliquées jusqu’à présent,du moins pas à ma connaissance. Dans le domaine de nos approvisionnements, les difficultés sur le marché de l’essence et gasoil n’ont pas pris la proportion que nous craignions lui voir prendre.

Climat social

et perspectives économiques

La situation sociale est assez confuse. Si l’agitation du secteur public paraît quelque peu calmée, on note en revanche un certain malaise dans le secteur privé. Les Syndicats demandent une augmentation générale de 10% ainsi que d’autres avantages tels que le paiement de tous les jours fériés, les reclassements des différentes catégories professionnelles,…

En fait, la situation sociale dans son ensemble dépend essentiellement de la politique économique; le Gouvernement peut continuer à s’efforcer de défendre le “statu quo” en persistant à bloquer (artificiellement) les prix et l’indice des 213 Articles : il pourrait aussi rechercher un nouveau palier prix : salaires avec les multiples conséquences économiques et sociales que cela suppose. Les services du Ministère des Finances mettent au point un nouvel indice de 230 Articles qui se substituerait à l’indice actuel des 213 Articles. La pondération serait établie de façon à diminuer l’importance (en pourcentage) des produits alimentaires.

Le Gouvernement compte sur son “plan social quinquennal” qui n’en est encore qu’à l’état de projet ; il comporterait notamment une évolution des salaires en fonction et du coût de la vie et de la production industrielle mais rien n’est encore très précis.

En terminant, je remercie tous ceux, qui par leur présence et leur participation à la vie syndicale régionale assurent à notre Section cette vitalité et cette cohésion qui la caractérisent.

Cette vitalité et cette cohésion seront d’autant plus nécessaires que nos adhérents seront placés devant de nouveaux problèmes lors de l’institution du marché commun européen.

  • Le Président : Charles MAYER (Membres du Syndicat)
  • GILLET & NAUT (METZ),
  • STUMPF Frères (LINGOLSHEIM),
  • MOUSTRA (STRASBOURG),
  • PEIFFER & SEYBEL (VENDENHEIM),
  • BIRCKEL Frères (STRASBOURG),
  • KOPLITZ & CO (SAARBRUCKEN),
  • WOELFFLE (COLMAR),
  • FAMAR & LUDIN (RIXHEIM).

Quelques observations

sur ce rapport moral

On se situe à la fin de la quatrième République, les prix de vente sont strictement réglementés, par contre nos moutardiers doivent faire face au coût matière première, frais énergie et frais salariaux, le quotidien ne devait pas être rose… et on peut noter que l’administration pour résoudre ces problèmes se fait un plaisir à monter “une usine à gaz” dont elle se fait, encore de nos jours, sa grande spécialité.

Il est aussi très intéressant de trouver la mise en garde du Président MEYER concernant l’organisation de la distribution face à l’anarchie de la production… et de demander à ses adhérents de se mettre en ordre de bataille car l’EUROPE ARRIVE. Ce Président avait une grande clairvoyance.