Il s’agit d’une moutarde rouge, certainement plus ancienne que la Violette de Brive..
C’est grâce à Monsieur BOURDET habitant CHAURAY, collectionneur de pots de moutarde et grand amateur devant l’Eternel de ce condiment, que nous avons tout connu sur ce produit. Pour être exact Monsieur BOURDET nous a fait parvenir une petite brochure des “Editions LE PAYS MELLOIS 1962” dont l’auteur Oct. Aug. HIPAULT-DERUFFIGNE en collaboration avec MM.Raymond ROUSSEAU et Elie AURIAULT. propose une étude extraordinaire de cette spécialité.
Préparation de la moutarde de St Maixent
“On fabriquait autrefois à St Maixent une moutarde d’un goût particulier qui faisait la renommée de cette petite ville poitevine. Le dernier moutardier de St Maixent, M.Pierre SERGENT DESCHAUMES, décédé en l’année 1939, a transmis à l’un de nous, avec lequel il entretenait de bonnes relations, les renseignements suivants sur la préparation de la moutarde de St Maixent.
Cette petite industrie n’immobilisait pas de nombreux capitaux. Le matériel nécessaire était des plus sommaires. Il se composait:
*d’un moulin en granit et d’une meule en granit tournant intérieurement à plat par le moyen d’un pivot central ;
*d’une presse pour presser les raisins cuits ;
D’un bassin en pierre blanche destiné à recevoir le jus sortant de la presse. Et de vases en terre cuite dans lesquels on conservait le jus toute l’année. A la saison, on achetait du raisin noir que l’on faisait cuire, après l’avoir égrené et trié, dans une chaudière en cuivre chauffée par un bon feu.
Quand le raisin était bien cuit, on le mettait dans des poches de grosse toile, lesquelles étaient placées sous la presse d’où sortait un jus qui était alors remis dans une autre chaudière et recuit à grand feu. On écumait avec soin au moment de l’ébullition. Cette opération terminée, ce jus ou moût de raisin était conservé dans les vases en terre cuite qui devaient être placés dans un appartement sec.
Il fallait en visiter fréquement le contenu afin de s’assurer qu’il ne fermentait pas. Lorsqu’une fermentation se produisait, on faisait rebouillir après avoir enlevé la croûte qui se formait à la surface du vase. On prenait ensuite du sénevé venant des marais poitevins (moutarde à sinapisme). Après avoir bien nettoyé les graines, on les mêlait avec le jus de raisin déjà obtenu. Ce mélange était versé dans le trou central de la meule qui était actionnée à bras.
De temps en temps, on ajoutait quelques cuillerées de jus de raisin pour faciliter l’écoulement sous la meule, ainsi que des épices destinées à donner la saveur. L’opération se continuait ainsi jusqu’à ce que l’on ait obtenu la quantité nécessaire.
La moutarde sortait par une trémie et tombait dans un bol. La moutarde aussitôt faite avait un goût amer mais vingt cinq heures après, elle était agréable au goût, mielleuse et très piquante à la fois. Les principales épices employées dans la fabrication de cette moutarde étaient le clou de girofle, la cannelle, la noix de muscade, le poivre doux, le poivre fort.
Un peu d’histoire
Année 1492
“On envoie aux élus de POITIERS 14 pintes de moutarde qui coûtèrent 35 sous, renfermées dans 14 barils du prix de 2 sous 8 deniers.”
Année 1522
Acte du 16 Janvier établi par Gilles Bonizeau pour authentifier une cession par Jean Jourdainet, bonnetier, à Guillaume Babinot, marchand, tous deux demeurant à St Maixent, de deux “meulles à faire moutarde”.
Année 1576
Le mardi 18 Septembre Michel Le Riche, l’avocat annaliste de St Maixent alla à La Mothe Saint Héraye “avec Messieurs le Maire, l’enquesteur Mauvissière et autres échevins de cette ville, où fimes la révérence à Monsieur de Lansac et lui présentâmes des carquelins, de l’hypocras et de la moutarde”.
Année 1659
Le 20 Octobre 1659, l’échevinage de St Maixent fait à Monsieur et Madame de la Meilleraie un présent de moutarde.
Année 1788
Le 24 Décembre Pierre Picoron avocat au Parlement et au siège royal de St Maixent écrivait à son beau frère, le maire de Niort, Rouget de Gourcey : “Je vous souhaite ou, comme il te plaira, je te souhaite bonne fête de Noël, bonne fin d’année et bonne nouvelle année à toi et à toute ta sacrée famille et je t’envoie pour ta conservation et celle de ta bougre de famille un pot de moutarde”. “Après avoir connu une longue période de prospérité, l’industrie de la moutarde de Saint Maixent périclitait bien avant la Révolution.
Le préfet Dupin, qui administrait le département des Deux Sèvres sous le Premier Empire, écrivait dans un rapport statistique, à propos de la fabrication de ce produit : “Le nombre des moutardiers n’est que de deux, n’employant ni ouvrier ni apprenti”.
Le même auteur écrivait l’année suivante au sujet de la vente : “St Maixent n’est pas moins célèbre pour sa moutarde; cependant, ce commerce est absolument tombé. Les produits ne se sont élevés en l’an IX qu’à 600 francs”. Néanmoins, la fabrication de la moutarde de St Maixent dura encore près d’un siècle. C’est en effet vers 1890 que la dernière fabrique dirigée par Mlle Clémence SERGENT-DESCHAUMES et située place de l’Abbaye, ferma ses portes”.